"Il y avait un temps où je tournais à Paris en été avec Jean Gabin. Et tous les soirs on dînait au Fouquet's parce qu'il n'y avait pas grand monde. C'était l'été, il faisait beau, c'était
magnifique ... Un soir, on était en train de dîner tous les deux, et qui est-ce qu'on voit arriver? Monsieur Blier! Il nous voit, on s'assoit tous les trois à la même table et on commence à
manger. A cette époque-là, j'aime autant vous dire qu'on se tenait mieux à table qu'à cheval, tous les trois .... Evidemment, de quoi parlons-nous en mangeant? Entre intellectuels, on a commencé
par des recettes de cuisine, et patati et patata. Et des adresses! On avait déjà liquidé une bassine d'écrevisses, les canards aux olives étaient passés, les camemberts aussi et on était toujours
à parler de bouffe ... A la fin du repas, et Dieu sait si c'était un repas (1)
Blier dit :- Je connais un endroit près de la gare du Nord
où il y a le meilleur pot-au-feu de Paris.- Ah bon? fait le Vieux, Blier avait les larmes aux yeux en parlant de ce pot-au-feu ... Il était onze heures du soir. Ils ont demandé l'addition, se
sont levés de table et Jean a dit : On y va! J'ai retenu Le Vieux qui partait droit comme une flèche, j'ai dit c'est pas possible, les gars, on va éclater! - Je leur ai sauvé la vie!
(1)
Je me rappelle d'un petit salé aux lentilles à la maison une fois, et d'un cuissot de sanglier, une autre fois. Tu croirais qu'il va te tuer, Lino quand il mange, t'oses plus parler. T'entends
les mâchoires qui font clac-clac-clac ... Tu te dis : merde, si je m'approche, il va me buter! Mon vieux tu ne peux pas savoir ce que c'est, il est le champion du monde! Jean Gabin (1)"
(1) Extraits du livre de Philippe Durant La Bande à Gabin